La sanction est tombée pour Elizabeth Holmes, l’étoile montante de la Silicon Valley parfois comparée à Steve Jobs, le fondateur d’Apple. Et elle est très lourde. Vendredi 8 juillet, la jeune patronne de la start-up américaine Theranos a été condamnée par les autorités sanitaires américaines à au moins deux ans d’interdiction de posséder ou gérer des laboratoires médicaux. Cette décision pourrait ainsi remettre en cause l’avenir de la société, qui promettait de révolutionner les analyses de sang.
Mme Holmes dispose d’un délai de deux mois avant l’entrée en vigueur de cette sanction. Elle peut encore faire appel. Le CMS reproche à Theranos de ne pas avoir respecté les normes imposées aux laboratoires d’analyse sanguine, mettant ainsi ses patients « en danger immédiat ». La société a par ailleurs une semaine pour se mettre en conformité, sous peine d’une amende quotidienne de 10.000 dollars. Les autorités vont également retirer l’homologation de son principal laboratoire, basé à Newark en Californie.
Vers un départ ?
« Nous assumons l’entière responsabilité des problèmes apparus dans notre laboratoire de Newark et avons déjà commencé à prendre des mesures correctives, assure Mme Holmes. Même si nous sommes déçus par cette décision, nous prenons ces faits très au sérieux et nous faisons tout notre possible pour régler tous les problèmes qui restent avec le CMS et pour démontrer notre engagement à respecter les critères les plus élevés de qualité et de respect des normes ».
L’objectif de Theranos est désormais de trouver un accord avec les autorités américaines. En cas d’échec, deux scénarios se dégagent. Le premier consiste à faire « pivoter » l’entreprise, en délaissant les analyses de sang. Par exemple, elle pourrait développer et vendre ses machines à d’autres laboratoires. Cela permettrait à Mme Holmes de conserver la direction. Deuxième possibilité: le départ de l’entrepreneuse, qui devrait également revendre sa participation dans le capital.
Quelques gouttes de sang
L’histoire était pourtant belle, trop belle peut-être. Theranos a été fondée en 2003 sur le campus de Stanford, la prestigieuse université située au cœur de la Silicon Valley. Mme Holmes vient alors de finir sa première année d’études en chimie. Pendant l’été, elle dépose son premier brevet: un patch permettant d’administrer un médicament tout en analysant les données du patient pour mesurer l’impact du traitement. Encouragée par un professeur, elle abandonne la faculté pour se consacrer à ce projet.
Depuis, l’entreprise a changé de direction. Elle se concentre désormais sur les analyses de sang. Sa promesse est révolutionnaire: réaliser des tests avec seulement quelques gouttes de sang, soit entre cent et mille fois moins que la quantité actuellement nécessaire. Theranos a ainsi développé sa propre méthode de prélèvement, sans aiguille, un « instrument de torture », selon Mme Holmes. La prise s’effectue au bout du doigt. La procédure ne prend que quelques secondes et serait indolore.
Valorisée 9 milliards de dollars
La société propose plus de 200 examens, à des prix défiant toute concurrence: 3 dollars pour mesurer le taux de cholestérol, contre au moins 50 dollars dans les laboratoires traditionnels. « Nous pensons qu’il est anormal que des laboratoires fassent payer plus de 5.000 dollars pour certains examens poussés », lance Mme Holmes. Et la start-up promet de fournir les résultats en quelques heures. Jusqu’à récemment, le système était en phase d’essai, dans une quarantaine de pharmacies Walgreens en Arizona.
Plusieurs enquêtes parues dans le Wall Street Journal ont cependant jeté le doute sur les machines développées par la jeune entreprise. Or, c’est cette technologie qui lui a permis de lever plus de 400 millions de dollars auprès d’investisseurs et d’être aujourd’hui valorisée à 9 milliards de dollars. Soit autant que la capitalisation boursière de Quest Diagnostics, géant américain des tests sanguins, qui emploie 45.000 personnes et a enregistré 7,4 milliards de dollars de chiffre d’affaires l’année dernière.
Opération transparence
Face à ces accusations, Theranos avait dû sortir de son habituelle discrétion. La société remettait en cause les « témoignages d’anciens employés en colère ». Elle questionnait aussi les motivations du Wall Street Journal. « Dès ses premières interactions avec Theranos, le journaliste nous a fait clairement comprendre qu’il nous considérait comme une cible à abattre, et non comme le simple sujet d’un article de presse objectif », expliquait l’entreprise en octobre. Elle s’est depuis lancée dans une opération transparence.
Pour autant, Theranos n’a pas encore levé tous les doutes. Mme Holmes se dit désormais prête à autoriser des experts indépendants à se pencher sur ses méthodes, ce qu’elle avait toujours refusé. En attendant, Walgreens, associé primordial pour les ambitions de la start-up, a préféré suspendre son partenariat. « C’est ce qui arrive quand vous essayez de faire les choses différemment. Au début, ils pensent que vous êtes fous et vous combattent. Puis vous changez le monde », veut croire la jeune patronne. Visitez notre site web ICI