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Les baleines ont perdu leur nez mais pas leur odorat

Si elles ont perdu les structures anatomiques de l’odorat présentes chez les autres mammifères, les baleines à bosse sont quand même capables de percevoir les goûts ou les odeurs. Reste à savoir par quel mécanisme.

Jusqu’à présent les scientifiques pensaient que ces seigneurs du monde du silence utilisaient essentiellement l’audition et la vision pour repérer leurs proies. Une équipe de chercheurs du centre d’écologie fonctionnelle et évolutive vient de démontrer que les baleines à bosse sont aussi capables de percevoir les goûts ou les odeurs

«Chez les cétacés, les structures anatomiques des sens gustatifs et olfactifs que l’on peut retrouver chez d’autres mammifères sont soit très atrophiées, soit absentes», raconte Aurélie Célérier signataire de la publication et chercheuse en Ecologie comportementale à l’Université Montpellier II au CEFE et au CNRS. «On a donc longtemps pensé qu’ils étaient privés de ces sens, sans penser qu’ils pouvaient être différents.» L’histoire évolutive des cétacés est unique chez les mammifères. Leurs ancêtres ont d’abord quitté l’eau pour vivre sur la terre. C’est à ce moment qu’ils se sont mis à respirer. Mais les cétacés sont retournés vers les océans tout en gardant les caractéristiques propres aux animaux terrestres (comme l’accouchement et la respiration).

«On a longtemps comparé les baleines aux autres mammifères qui, eux, vivent dans des milieux totalement différents», ajoute la chercheuse. «Or on sait très bien que les gros poissons comme les requins ont un odorat très efficace. La perception chimique est un sens indispensable qui permet de trouver de la nourriture et de se prémunir des poisons. À partir de cette interrogation, on a cherché un moyen pour découvrir si oui ou non ces sens chimiques pouvaient être utiles aux baleines.»

Les cétacés auraient été les seuls mammifères privés de ces sens

Comment réussir à démontrer que les baleines sentent bel et bien? L’équipe du CEFE a procédé à deux expériences. Les baleines se nourrissent en grande partie de krill,ces petites crevettes qui voyagent dans des bancs très visibles et bruyants. «On a disséminé de la poudre de krill pour regarder si les baleines pouvaient être attirées indépendamment du bruit», raconte Aurélie Célérier. «On a aussi utilisé une poudre d’argile rouge comme leurre. Les baleines se dirigeaient bien vers le krill. Seule l’odeur a pu les guider.» L’expérience a été répétée avec du diméthyle sulfure DMS, une substance qui apparaît avec la dégradation du phytoplancton et zooplancton.

«Le DMS est une preuve indirecte de nourriture», détaille Aurélie Célérier . «Cette fois, les baleines ne se sont pas dirigées vers la source de l’odeur mais ont modifié leurs vocalises. Difficile encore de savoir ce qui signifiait ce changement comportemental. Peut-être notaient-elles quelque chose d’anormal, car nous avons fait le test au large de Madagascar. C’est une zone de reproduction. Les baleines n’ont pas l’habitude d’y trouver de la nourriture. Le fait est que l’odeur du DMS les a fait réagir.»

Impossible pour l’heure de dire quel sens a été stimulé entre le goût et l’odorat. «On est juste en mesure de dire que les cétacés sont capables de réagir à une substance chimique», explique Aurélie Célérier. «On doit désormais procéder à de nouveaux tests. Des autopsies sur les échouages pourront nous aider à déterminer comment ces sens fonctionnent.» Une découverte qui a le mérite de mettre fin à une incongruité.

Les cétacés auraient en effet été les seuls mammifères privés de ces sens. «Ce n’est pas parce que certains sens sont plus importants, comme l’ouïe chez la baleine, que l’évolution a totalement renoncé aux autres», juge la chercheuse du CEFE. Reste désormais à savoir si les odeurs peuvent aussi être un moyen de communiquer entre les individus comme chez les autres mammifères. Ou s’il s’agit juste d’une réminiscence d’un sens ancien qui n’a pour seul objectif de garantir aux baleines de retrouver le garde-manger le plus proche. Visitez notre site web ICI