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Des bactéries transgéniques pour les biocarburants

L’usage de micro-organismes génétiquement modifiés est un champ de recherche qui intéresse les pétroliers. Après les OGM, organismes génétiquement modifiés, voici les MGM, micro-organismes génétiquement modifiés. Des bactéries, des levures ou des algues lilliputiennes dont le génome est reprogrammé pour servir à toute une gamme de productions industrielles. Comme celle de biocarburants. Une fois n’est pas coutume, une jeune PME française, Global Bioenergies, est l’une des pionnières d’un marché qui pourrait émerger rapidement.

L’utilisation industrielle de micro-organismes transgéniques n’est pas nouvelle. Principalement dans le domaine de la santé, où le génie génétique est à l’origine de nombre de médicaments, vaccins ou hormones. L’exemple le plus emblématique est celui de l’insuline, extraite, pour les diabétiques dont le pancréas n’en produit pas suffisamment, de bactéries ou de levures où a été introduit le gène de cette hormone.

Mais l’application de ces techniques aux carburants est un champ d’études encore neuf, dont les débouchés suscitent d’énormes convoitises. En juillet 2009, le pétrolier américain ExxonMobil a annoncé un investissement de 600 millions de dollars (plus de 450 millions d’euros) dans une alliance avec le biologiste Craig Venter, pour la production de carburant avec des algues au génome amélioré. Aux Etats-Unis toujours, plusieurs start-up, dont Amyris (associée au groupe français Total), Gevo (également soutenue par Total) ou LS9 (financée par le pétrolier américain Chevron), misent gros sur des hydrocarbures issus de bactéries ou de levures génétiquement modifiées.

Global Bioenergies est pour l’instant la seule entreprise sur son créneau : la fabrication d’un hydrocarbure gazeux, l’isobutène, à partir de sucre dégradé par des bactéries reprogrammées. Ses concurrents tablent, eux, sur des hydrocarbures liquides. “L’avantage d’un gaz – facilement convertible en essence, en kérosène ou en diesel – est qu’il n’est pas toxique pour le milieu de culture, et qu’il évite les opérations d’extraction, de purification et de distillation coûteuses et gourmandes en énergie”, indique son PDG, Marc Delcourt.

Ce docteur en biologie moléculaire s’est associé à un spécialiste de la biologie de synthèse, Philippe Marlière, pour fonder, en octobre 2008, cette société qui a levé 4 millions d’euros et obtenu un financement de l’établissement public d’aide à l’innovation Oséo. Elle regroupe aujourd’hui une vingtaine de chercheurs et ingénieurs, au Génopole d’Evry (Essonne).

Clou du laboratoire : un fermenteur d’un litre, à l’échelle du millionième d’une installation industrielle. Dans cette cuve de verre, 5 grammes de bactéries, plongées dans une solution de 100 grammes de sucre, permettraient en théorie de secréter 30 grammes d’isobutène, qui donneraient la même quantité d’essence. La société prévoit de mettre en service, fin 2011, un prototype à l’échelle du millième, puis un démonstrateur à l’échelle du dixième, avant de passer, en 2015, à la production commerciale.

Pour obtenir ce biocarburant, il faut donc du sucre : de la mélasse de betterave ou de canne à sucre, du glucose extrait de l’amidon du blé ou du maïs, ou encore des sucres tirés – c’est l’un des intérêts de la formule – des déchets agricoles ou forestiers, comme la paille. Mais il faut aussi une bactérie capable de convertir cette matière première en hydrocarbure.

“Les micro-organismes ne peuvent pas produire naturellement d’isobutène. Il a donc fallu créer une chaîne métabolique artificielle”, explique Marc Delcourt. Autrement dit, identifier une série d’enzymes qui, par transformations successives, permettent de passer du sucre à l’hydrocarbure gazeux. Puis isoler les gènes qui gouvernent l’expression de ces enzymes et les implanter dans une bactérie, Escherichia Coli.

Avec une standardisation des procédés, le “bactério-carburant” pourrait, au regard des cours actuels du sucre et du pétrole, revenir 30 % moins cher que l’essence classique, affirment les dirigeants de Global Bioenergies. Et réduire de 15 %, par rapport aux agrocarburants actuels, les émissions de gaz à effet de serre.

Face à ces atouts, se posent toutefois deux questions. Celle, d’abord, d’une possible dissémination de micro-organismes transgéniques. “Les réactions se font en milieu confiné et, de toute façon, les bactéries ne pourraient absolument pas survivre dans le milieu naturel”, répond Marc Delcourt.

Celle, surtout, de la concurrence de cultures énergétiques (la production de sucre) avec les cultures alimentaires, déjà reprochée aux biocarburants sur le marché. “Pour remplacer la totalité des carburants issus du pétrole par des hydrocarbures dérivés du sucre, sans toucher aux cultures alimentaires, il faudrait disposer de deux fois et demie la superficie mondiale cultivée actuelle. C’est un objectif accessible, en arrêtant les jachères et en exploitant les déchets agricoles et forestiers”, assure le jeune PDG.

Pourtant, dans un rapport présenté le 21 octobre devant les Nations unies, le rapporteur spécial pour le droit à l’alimentation, Olivier De Schutter, soulignait que la compétition entre agroaliments et agrocarburants fait déjà des ravages, au détriment de millions de petits paysans. Visitez notre site web ICI